J‘ai eu la chance de tester un prototype de capteur de particules fines de haute précision qui mesure en temps réel les PM1, PM2.5 et PM10. Il fournit une information actualisée chaque seconde et grâce à l’application, chacune de ces mesures est géolocalisée et les activités peuvent être étiquetées, ce qui vous permet de suivre votre exposition au fil du temps.
Les particules fines sont probablement le polluant atmosphérique le plus « célèbre », et la pollution de l’air est de plus en plus pointée du doigt pour ses impacts sur notre santé et notre économie. Pourtant, il semble que nous ne sachions pas vraiment quoi faire à ce sujet, car nous avons l’impression d’avoir peu d’impact en tant qu’individus sur ce qui se trouve dans l’air que nous respirons.
C’est le but de cette étude empirique. Il ne s’agit pas seulement de mesurer la qualité de l’air, il s’agit également de documenter les activités et les lieux pour voir si certaines tendances peuvent être dévoilées et voir si nous pourrions avoir plus de contrôle que nous le pensions sur l’air que nous respirons
Installation et protocole
Vous pouvez passer cette section, mais je pense toujours qu’il est important de comprendre d’où viennent les données et comment elles ont été collectées.
Le dispositif utilisé (PMSCAN de Groupe Tera) mesure les PM1, PM2.5 et PM10 chaque seconde et les données sont transmises via Bluetooth à un smartphone avec une application dédiée. Sur le téléphone, vous pouvez voir en temps réel les niveaux de PM sous forme de valeurs, de graphiques ou de cartes. Une fonctionnalité intéressante est la possibilité de programmer des alarmes telles que : « si PM1 dépasse 15µg/m3 pendant plus de 30 secondes -> alarme », et cela peut être fait pour chaque taille de PM. Cela s’est avéré très intéressant car vous ne passez pas tout votre temps à regarder l’application. Chaque fois qu’une alarme se déclenchait, je documentais la situation (photo/commentaires) afin de pouvoir traiter ces informations à la fin.
J’ai également documenté autant que possible la nature de mes activités : cuisine, marche, nettoyage, travaille.. afin de compiler les données en conséquence.
J’ai gardé le capteur avec moi pendant 48 heures et cela s’est révélé un peu difficile pour trouver un endroit où l’attacher sans qu’il soit au milieu mais aussi pour m’assurer qu’il ne crée pas de fausses mesures, ce qui peut arriver si l’entrée d’air frotte vos vêtements par exemple. J’ai eu le problème et cela a déclenché une alarme parce que mes vêtements généraient des particules à cause de la façon dont je l’avais fixé à ma ceinture. Donc faites attention à cela, l’appareil est vraiment sensible et précis.
Les données et résultats
Vous trouverez ci-dessous les résultats. J’ai réduit l’échantillonnage des données à une valeur toutes les 30 secondes pour le graphique, mais cela fait toujours beaucoup…
Comme vous l’avez peut-être deviné, les plages de valeurs mises en évidence identifient les différentes activités / lieux : le vert est pour la maison, le rouge pour la marche, le bleu pour la conduite et le jaune pour les magasins. Ceci est le graphique pour le samedi, le même schéma se répète pour le dimanche.
1 : Monter dans la voiture / fenêtres fermées. Un peu évident, s’asseoir dans la voiture met en suspension la poussière qui était posée sur le siège.
2 : Bricolage, recherche de matériel/outils dans le sous-sol.
3 : Arrêt de la voiture dans un parking souterrain (-3).
4 : Retour dans le même parking.
5 : Perçage de trous dans un mur en ciment chez mon fils.
6 : Perçage / Découpe de bois et nettoyage avec un balai.
7 : Retour au parking, mise du matériel dans la voiture.
8 : Cuisine (oignons et viande pour lasagnes).
1er apprentissage : la localisation ne suffit pas
Facile à constater pour les mesures en air intérieur, les mêmes conclusions peuvent être tirées pour les activités extérieures (marche), même si statistiquement il aurait été préférable d’avoir plus de données. Contrairement aux gaz (comme le NO2, l’O3…) qui se répandent rapidement dans toutes les directions, les particules en suspension sont très sédentaires dans le sens où d’un côté de la rue à l’autre, vous pouvez avoir des valeurs totalement différentes. Exception : le parking semble être un point chaud constant, plus de détails ci-dessous.
2e apprentissage : l’activité et la ventilation jouent un rôle clé
La cuisine, le bricolage et le nettoyage génèrent des niveaux très élevés de PM dans l’air. Par exemple, en cuisine, cela a atteint plus de 108 µg/m3 de PM10 dans une cuisine ouverte et il a fallu presque 35 minutes pour revenir à la normale (fenêtres ouvertes au début + 12 min). Puis un autre pic lors de l’ouverture du four. Comparé à l’exposition en extérieur, le pire que j’ai eu était de 28 µg/m3 à une intersection très fréquentée et 56 µg/m3 après une rafale de vent.
3e apprentissage : les concentrations de PM peuvent varier très rapidement dans le temps
En quelques secondes, vous pouvez passer d’une concentration très basse à une très élevée.
Analyse approfondie
Pendant ce week-end, j’ai passé 96 % de mon temps à l’intérieur (effrayant, merci le COVID..), 2 % à marcher en extérieur, 2 % à marcher dans des espaces publics intérieurs. Statistiquement, il est difficile de tirer une analyse significative avec une telle différence entre le temps passé à l’intérieur et à l’extérieur, mais avec ces éléments de base, nous obtenons tout de même des résultats parlants. En considérant l’exposition aux PM10, 97 % proviennent du temps passé à l’intérieur, 2 % de la marche en extérieur et 1 % des espaces publics intérieurs.
En me basant sur les alarmes et le suivi des activités, j’ai réussi à décomposer davantage les résultats que l’on peut trouver ci-dessous. J’ai additionné la quantité de PM10 en µg/m3 pour chaque sous-catégorie (tab 1), puis calculé la quantité de temps pour chacune (tab 2) afin d’obtenir un ratio (tab 3) de la quantité de PM10 par unité de temps. Et encore une fois, le bricolage, la cuisine et le parking se démarquent, et de loin.
Parking
En regardant les chiffres bruts, j’ai été surpris que le parking ne soit pas encore plus élevé et voici ce que j’ai découvert : dans certains cas, j’obtiens des valeurs élevées (mais pas tant que ça) et dans d’autres cas, j’ai des valeurs extrêmement élevées, donc en moyenne ce n’est pas si mal. J’ai donc fait quelques tests supplémentaires et voici ma conclusion : j’ai des valeurs plus basses lorsque je retourne à ma voiture, mais des valeurs très élevées lorsque j’arrive avec la voiture, même si j’arrive à ma place en roue libre, moteur éteint. Ma conclusion est que le niveau élevé de PM ne vient pas de mon échappement, mais des PM déposées sur le sol du parking et remises en suspension lorsque le véhicule arrive. Ce ne serait pas surprenant, car, dans la mesure ou c’est unparking souterrain, la pluie ne lessive pas le sol et les PM s’accumulent.
Alarmes
Certains événements spécifiques, des situations auxquelles je ne m’attendais pas vraiment, ont conduit à de hautes concentrations de PM :
- litière pour chat : renouveler la litière a généré un pic impressionnant à 288 µg/m3
- voiture : qu’est-ce qui est mieux, les fenêtres fermées, ouvertes ou la recirculation de l’air. J’ai toujours pensé que l’air frais d’une fenêtre ouverte était le meilleur et… non. La recirculation de l’air (Golf-Volkswagen) a non seulement limité mais a fait baisser le niveau de PM à des niveaux très bas (autour de 1 µg/m3). Avec juste les fenêtres fermées, après le pic de PM en s’asseyant, les niveaux sont autour de 10 µg/m3. Avec les fenêtres ouvertes, cela change tout le temps de 4µg/m3 à 37µg/m3 dans cette expérience (conduite en ville). Je ferai plus de tests sur ce sujet spécifique en essayant d’éliminer toutes les autres variables (mouvement dans la voiture, durée du trajet..)
- balai/aspirateur : je me suis toujours demandé comment se comparaient balai VS aspirateur. Pas de débat, j’ai atteint mes scores les plus élevés en nettoyant les poussières de perçage au balais, atteignant 1230 µg/m3 en quelques secondes. Même endroit/situation avec l’aspirateur (basique) et le capteur a légèrement réagi, sans déclencher d’alarme.
Il reste encore beaucoup à extraire de cet ensemble de données, mais ces premiers résultats m’ont donné des idées sur la façon d’améliorer mon processus de collecte de données et sur les prochaines choses que je testerai : plus sur la conduite, le parking mais aussi passer plus de temps à l’extérieur afin d’avoir des données plus fiables. J’améliorerai également ma classification/étiquetage des activités afin de faciliter le processus d’analyse.
Conclusions
D’après mon exemple personnel, lors de ce week-end spécifique, j’étais responsable de 97 % des PM auxquelles j’ai été exposé. Cela ne signifie pas que nous pouvons tout changer, mais cela signifie que nous avons beaucoup plus de contrôle sur la qualité de l’air que nous respirons que je ne le pensais. Cela signifie également que les cartes traditionnelles de qualité de l’air que nous trouvons sur le web sont importantes mais loin d’être suffisantes pour évaluer avec précision la qualité de l’air que nous respirons dans la vie réelle, je veux dire en prenant en considération la qualité de l’air extérieur mais aussi intérieur. Et dans la plupart des cas, même si la qualité de l’air extérieur n’est pas toujours bonne, il y a de fortes chances que cet air soit meilleur que celui de votre maison/bureau… donc aérez votre maison !
Deuxième conclusion, même s’il ne fait aucun doute sur l’injustice géographique — où vous vivez est ce que vous respirez —, la nature de votre profession pourrait être un problème encore plus important : travailler sur des chantiers de construction, dans des cuisines (restaurants..), des espaces fermés, etc. peut fortement impacter votre santé. Même si cela n’est pas surprenant, il est étonnant de voir à quel point des efforts sont déployés pour créer des cartes mondiales, mais au final, nous savons encore si peu sur ce que nous respirons réellement.
N’hésitez pas à me contacter si vous voulez l’ensemble complet des données, si vous avez des idées de tests ou si vous voulez essayer ce prototype.