Alors qu’il n’est plus besoin de rappeler les impacts de la qualité de l’air sur notre santé et notre économie, je souhaitais partager le résultat d’une expérience personnelle réalisée en cette période de fêtes propice aux recettes associant chaleureusement fromage et charcuterie.
On évoque souvent, et à juste titre, les problèmes liés aux particules fines dans nos rues et dans le métro mais nous n’avons que trop peu le réflexe de nous interroger sur ce qui se passe sous notre toit.
Raclette VS Métro ➝ la méthodologie
Pour la mesure individuelle air intérieur / extérieur, fixe et mobile, j’utilise plusieurs capteurs (que je présenterai prochainement) qui permettent de collecter des données à une fréquence élevée pouvant aller jusqu’à la seconde. Horodatées, géolocalisées et contextualisées il est ensuite possible de faire des analyses d’exposition dans le temps, dans l’espace et par activité
>>> c’est d’ailleurs notre spécialité chez AirSentinels.
Pour la mesure dans le métro a été utilisé un capteur spécifique en raison des propriétés différentes des particules fines dans ce type d’environnement.
Mesures métro : durée de trajet 30 minutes, 1 mesure toutes les 10 secondes, trajet de Gare de Lyon à Jacques Bonsergent (Ligne 5) avec changement à Bastille.
Raclette : durée de mesure 60 minutes, 1 mesure toutes les 1 min., fromage, coppa, jambon… une raclette quoi… Pièce de 30 m² avec hauteur sous plafond moyenne de 3m.
Raclette VS Métro ➝ les résultats
Sans plus de suspense, la raclette sort grande gagnante, et de loin..
Avec un taux de PM 10 moyen environ 10 fois supérieur à celui mesuré dans le métro (mêmes ordres de grandeur pour les PM 2.5 et PM 1), avec des valeurs maximales étant jusqu’à 20 fois supérieures.
| PM 1 | PM 2.5 | PM 10 | |
|---|---|---|---|
| Métro | |||
| Min. | 4 | 5 | 8 |
| Max. | 14 | 22 | 40 |
| Moy. | 8 | 12 | 22 |
| Raclette | |||
| Min. | 32 | 35 | 51 |
| Max. | 293 | 396 | 773 |
| Moy. | 101 | 127 | 234 |
Et encore, nous avons aéré à 2 reprises pour limiter la casse et voir l’impact de la ventilation sur l’amélioration de la qualité de l’air.
Plus en détail, ci dessous la dynamique d’évolution dans le temps du taux de PM :
Conclusions
Alors maintenant on peut plus manger de raclette? Bein non, la raclette c’est bon, faites vous plaisir. Simplement, et comme le prouve cette expérience, nos activités et particulièrement celles liées à la cuisson, ont un impact colossal sur la dose quotidienne de pollution que nous respirons.
Cela est d’autant plus vrai en cette saison où on a tendance à limiter la ventilation pour garder la chaleur, ce qui se révèle souvent être une vraie fausse bonne idée. Avec la cuisson, le taux d’humidité de l’air augmente et un air humide est plus dur à chauffer. Donc en aérant on se débarrasse des particules et de l’humidité et quelques minutes suffisent pour retrouver un air plus sain.
Quelques minutes d’aération peuvent rapidement faire baisser les taux de particules.
Pour ce qui est du métro et des enceintes ferrovières souterraines, il y a évidemment des progrès à faire mais commençons déjà par adopter individuellement les bons réflexes.
Dans une étude précédente de mesure d’exposition aux particules fines, j’étais responsable de près de 90 % du volume de particules respirées dans une journée avec à nouveau en haut du podium les activités de cuisine.
En conclusion, nous sommes acteurs de l’air que nous respirons et de simples adaptations de nos comportements peuvent faire la différence.
Vous souhaitez essayer? Quelques conseils
Ce type d’approche terrain empirique a évidemment ses limites et peut donner des résultats différents suivant vos modes de cuisson par exemple. Pour le métro et les transports souterrains en général j’ai eu sur de précédentes sessions de mesures des valeurs plus importantes. On peut aussi mesurer de très fortes variations et disparités en fonction des lignes, des stations et de l’affluence.
Il est utile de rappeler que le nombre de particule est important (en général ramené à une valeur en microgrammes par mètres cube : µg/m3) mais qu’au delà de cette approche quantitative il est indispensable de considérer la nature de celles-ci (la provenance) qui va jouer un rôle important sur les impacts sur notre organisme.
Il faut également bien comprendre qu’un capteur mesure un ou plusieurs polluants spécifiques. Votre capteur peut être vert et pour autant votre air peut être pollué avec un autre polluant. Les capteurs ont également des limites de détection ce qui signifie qu’ils ne « verront » pas ce qui se passe en dehors de ces limites (par exemple des particules très petites ou plus grosses).
Enfin bien prendre en compte la manipulation du capteur : éviter les frottements (par exemple dans le métro) qui peuvent perturber les mesures et, si vous souhaitez faire des mesures en mobilité, prendre en compte l’impact de la vitesse sur la mesure. Typiquement en mettant un capteur sur un vélo sans plus de précautions vous risquez d’avoir une corrélation directe entre vitesse et taux de PM en raison des perturbations engendrées sur la fluidique – écoulement du flot d’air à l’intérieur du capteur – qui fait qu’une même particule sera comptée plusieurs fois.
Il est ainsi toujours utile d’avoir du recul sur les outils utilisés, la méthode et les données collectées.
Pour aller plus loin
Comme souvent l’ADEME publie d’excellents guides, simples et illustrés sur les sujets de la qualité de l’air notamment sur l’air intérieur.
